Bienvenue sur le nouveau site du Réseau International Ambiances. Les contenus de l'ancien site étant en cours de migration, vous pouvez consulter nos archives sur archive.ambiances.net

Seckin Basturk Friberg - Doctorant en architecture, Built Environment Control Laboratory RiAS, Seconde université de Naples, Aversa (CE), Italie

Le séminaire de l’année dernière organisé par Cost TD0804[1] et intitulé « Soundscape – Measurement, Analysis, Evaluation »[2] à Aix-la-Chapelle, Allemagne, comprenait notamment un exercice de promenade sonore que les participants ont réalisé en deux groupes dans le centre d’Aix-la-Chapelle. Les deux groupes ont emprunté le même chemin mais ont commencé leur promenade sonore à partir de points différents : le premier groupe est parti du centre-ville pour se diriger vers la périphérie tandis que l’autre groupe est parti de la périphérie pour avancer vers le centre. À l’issue de la séance de promenade, des différences surprenantes sont apparues entre les deux groupes concernant leur ressenti des qualités de la ville. Pour mon groupe et moi-même, la place entre l’Hôtel de ville et la cathédrale était très calme ; je pouvais même distinguer les mots d’un couple relativement éloigné de moi. Mon expérience était comparable à celle du calme d’une bibliothèque, mais je me trouvais en plein centre d’Aix-la-Chapelle, entre deux lieux d’intérêt touristique importants. Je me sentais calme, détendu mais éprouvais en même temps une sensation d’ennui, voire un peu de lassitude. En revanche, l’autre groupe est resté occupé au même endroit pendant près d’une heure, prenant plaisir à écouter un orchestre de rue, à observer les gens rassemblés et probablement à danser au son de la musique.

Cette expérience personnelle m’a fait remettre en question les techniques et termes que nous employons habituellement pour décrire le bruit et les environnements acoustiques des villes. Et en réponse à cette expérience, une étude préliminaire a été entreprise afin d’explorer les relations spatio-temporelles entre des stimuli physiques (son) et des réactions émotionnelles à ces stimuli dans notre vie quotidienne. Une expérience en situation réelle a été menée, en étudiant les réactions émotionnelles d’un sujet par le biais de l’activité électrodermale (EDA) (également appelée conductivité de la peau), des niveaux sonores et d’auto-évaluations subjectives pendant différentes activités.

Dans ce contexte, un sujet a été équipé d’un capteur de variables d’environnement[3] et d’un capteur d’EDA[4], et transmettait des auto-évaluations en temps réel au moyen d’un smartphone sur une période d’expérimentation de trois jours. Les niveaux de pression acoustique (dB), l’emplacement (latitude et longitude), et les niveaux d’EDA (μS) en temps réel ont été consignés à chaque seconde tout au long de la période de trois jours. De plus, les réactions du sujet à l’environnement en termes d’états émotionnels et de bruit perçu ont été mesurées à de multiples reprises, ainsi que d’autres variables, à l’aide d’un questionnaire en ligne accessible par smartphone. En outre, le participant transmettait également des informations sur l’activité entreprise au moment de la transmission du questionnaire. Les états émotionnels étaient rapportés dans deux dimensions : le calme et la résonance. Le bruit perçu diffère du niveau de pression acoustique par le fait que ce dernier est un paramètre physique tandis que le bruit perçu résulte de l’interprétation des stimuli sonores en fonction de leur caractère acoustique, de leur source, de leur signification et de leur harmonie dans le contexte (Figure1).

Fig. 1. Flowchart representing the pilot experiment process : a. Environmental sensor - b. Electrodermal activity sensor - c. Smartphone

Les résultats de l’expérimentation indiquent que les niveaux d’EDA et le niveau de pression acoustique mesuré présentaient une corrélation significative. De plus, l’état émotionnel de calme auto-évalué était fortement lié à la fois au niveau réel de pression acoustique et au bruit perçu. Par ailleurs, il existait une cohérence apparente entre le calme auto-évalué et les niveaux d’EDA mesurés (Figure 2).

Fig. 2. Representation of the three day sensing results

En conclusion, les résultats préliminaires font apparaître des concordances étonnantes entre les mesures subjectives et physiologiques d’émotions fortement  associées aux sons de tous les jours, ce qui laisserait entendre que le suivi du niveau d’EDA peut s’avérer un outil précieux pour l’évaluation, basée sur l’émotion, de qualités sensorielles et d’ambiances sonores de notre environnement. En outre, la collecte d’informations spatio-temporelles – subjectives, physiologiques et environnementales – auprès d’experts locaux dans leur cadre de vie réel au moyen de systèmes mobiles sans fil, promet une visibilité unique sur les ambiances urbaines. Néanmoins, afin que les résultats soient plus conséquents et les observations de plus en plus fiables, il est crucial d’élargir l’échantillonnage des participants à l’étude et de poursuivre l’expérimentation.

Remerciements
L’étude a été menée lors de ma période de visite au Laboratoire Senseable City Lab du MIT. Je tiens à remercier pour leur soutien Carlo Ratti, Rex Britter et Prudence Robinson du MIT Senseable City Lab., Rosalind Picard et Rob Morris du MIT Media Lab. Affective Computing group, ainsi que Luigi Maffei et Massimiliano Masullo du Laboratoire RiAS, SUN.

[1] “About Soundscape of European Cities and Landscapes.” [Online]. Available: http://soundscape-cost.org/. [Accessed: 14-Oct-2011].
[2] A. Fiebig et al., “Education in Soundscape-A seminar with young scientists in the COST Short Term Scientific Mission ‘Soundscape-Measurement, Analysis, Evaluation’ ” in 20th International Congress on Acoustics, ICA 2010, Sydney Australia, 2010.
[3] Sensaris, “Eco Senspod,” Smart Wireless Sensor Solutions, 2011. [Online]. Available: http://www.sensaris.com/environment/. [Accessed: 12-Sep-2011].
[4] “Galvanic Skin Response for Measuring Emotions | Q Sensor | Affectiva.” [Online]. Available: http://www.affectiva.com/q-sensor/. [Accessed: 13-Oct-2011].
[5] Ming-Zher Poh, N. C. Swenson, and R. W. Picard, “A Wearable Sensor for Unobtrusive, Long-Term Assessment of Electrodermal Activity,” IEEE Transactions on Biomedical Engineering, vol. 57, pp. 1243-1252, May 2010.
[6] C. Nold, Emotional Cartography – Technologies of the Self. Wellcome Trust, 2009.
[7] R. Cain, P. Jennings, and J. Poxon, “Setting targets for soundscape design: The practical useof a 2-dimensional perceptual space,” in 39th International Congress and Exposition on Noise Control Engineering – Inter Noise 2010, Lisbon, Portugal, 2010.
[8] M. Martino, R. Britter, C. Outram, C. Zacharias, A. Biderman, and C. Ratti, “Senseable City,” in Digital Urban Modelling and Simulation, Springer, 2010.

Partager

Le réseau Ambiances est soutenu par